vendredi 14 février 2014

Parachutistes ! Histoire de la brigade 305 de l'armée nord-viêtnamienne

La brigade 305 a été la seule unité parachutiste de l'armée nord-viêtnamienne. Son existence a été très courte puisqu'elle naît en 1961 et disparaît 7 ans plus tard, dans la guerre contre les Etats-Unis.

Début 1961, Nguyen Nam Khanh et le lieutenant-colonel Nguyen Chi Diem rencontrent l'adjoint au chef d'état-major, Le Trong Tan, pour se voir attribuer une nouvelle mission. Il s'agit de créer une unité parachutiste pour défendre le Nord-Viêtnam et soutenir la guerre au sud. Les préparatifs de création de la brigade commencent en 1958 : des douzaines de volontaires sont sélectionnés par l'Institut Médical militaire 108 de Hanoï et envoyés en Chine pour s'entraîner. Khanh a été le premier commissaire politique de la brigade 305. Les officiers sont des vétérans de la guerre d'Indochine ou de la guérilla au Sud-Viêtnam.

41 soldats viêtnamiens sont envoyés sur une base aérienne du Henan, en Chine, dès mars 1959, dans le plus grand secret. Ils prennent le train à Lang Son. En Chine, le groupe est rebaptisé "équipe du Hunan" et intégré à la division 2721. Pour tester les Viêtnamiens, les Chinois font sauter depuis un ballon, à 400 m d'altitude, des femmes parachutistes, puis demandent à un des Viêtnamiens, Dang Nhon, de faire de même. La première période d'entraînement dure de mars à octobre 1959, et la seconde d'août 1960 à février 1961. Encadrés par 10 Chinois, les Viêtnamiens apprennent à sauter correctement à partir de 1,50 m, 3 m puis d'une tour métallique de 9 m. Puis ils s'entraînent à sauter avec le vent, comme à la porte d'un appareil, et d'une tour de 40 m de haut. Ils sautent ensuite d'un ballon à 400-500 m d'altitude, et enfin d'un avion An-2. A la fin de l'entraînement, les Chinois offrent aux Viêtnamiens des parachutes et des armes.

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De retour à l'aérodrome de Gia Loi, à Hanoï, le 5 février 1961, l'équipe est mobilisée pour parachuter des armes, des vivres et des munitions au Laos, à destination des soldats viêtnamiens et du Pathet Lao qui combattent sur place. L'URSS fournit 10 Li-2, la copie du C-47/DC-3 américain. Chaque para dissimule deux couteaux dans ses manches et porte deux pistolets avec 24 balles. Pour éviter la détection par les radars américains, les appareils volent entre 300 et 500 m. Tous les vols ont lieu de nuit ou par mauvais temps la journée. Certains appareils s'écrasent dans les montagnes.

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Pour former d'autres parachutistes, l'équipe est déplacée dans la province de Bac Giang, où des centres d'entraînement sont établis près des aérodromes de Kep, Chu et Buom. Les Soviétiques fournissent les parachutes, 5 instructeurs et des pilotes pour les avions. Les paras apprennent à sauter par tous les temps, sur des types différents de terrains. En 1962, la brigade 305 comprend 1 400 hommes, mais seulement deux bataillons de paras en sous-effectifs. Elle pratique néanmoins des largages avec des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm et des mortiers de 82 mm. A partir de 1964, la plus grande partie de l'effectif est versée dans les unités de sapeurs, troupes d'élite en pointe des attaques contre les Américains.

Pour piéger les appareils américains qui évoluent à basse altitude, les paras apprennent à utiliser des ballons pour créer des "champs de mines aéroportés", d'après des films soviétiques de la Seconde Guerre mondiale. Des ballons peints en bleu, pour se confondre avec le ciel, sont remplis d'explosifs, et disposés entre 50 et 400 m d'altitude, sur les voies d'approche des avions américains, en particulier à l'ouest et au nord-est du pays. Les petits barrages comprennent de 200 à 300 ballons et les plus gros jusqu'à 700. Un premier appareil américain en aurait été victime en janvier 1967. Les Nord-Viêtnamiens installent ensuite des mines Claymore dans les ballons pour augmenter leur efficacité.

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Le 24 mars 1967, la brigade 205 est rattachée aux commandos et passe sous les ordres du colonel Nguyen Chi Diem. Un an plus tard, la formation contribue à l'offensive du Têt, alors que des bataillons nord-viêtnamiens sont assiégés dans la citadelle de Hué. Pour larguer du ravitaillement, les avions décollent de Hanoï jusqu'à Thanh Hoa, puis font un crochet vers Tchepone, au Laos, avant de se diriger sur Hué. Le premier vol de ravitaillement décolle à 18h00, le 7 février 1968, avec 2 paras et 5 pilotes. Le Li-2 approche en zigzaguant de la citadelle de Hué, à 250 m d'altitude, pour repérer un triangle de 3 flammes et de bandes blanches installé par les défenseurs. L'avion fait des passes à 30-40 m d'altitude pour larguer le ravitaillement, pendant une heure si besoin. Une mission normale revient à Hanoï vers 2h00 du matin. Mais toutes les missions ne se déroulent pas aussi bien. Lors d'un largage près d'un village à proximité de Khe Sanh, qui mobilise 4 Il-14 et Li-2 (le Li-2 est en tête, chacun des 3 Li-14 embarque 124 paras et 5 pilotes à 16 minutes derrière), le Li-2 de tête, qui doit dégager la zone de largage, se crashe, tuant tout son équipage. La brigade est ensuite dissoute, en 1968.


Pour en savoir plus :


Kenneth CONBOY, South-East Asian Special Forces, Elite 33, Osprey, 1991, p.52.

http://tuoitrenews.vn/features/14436/the-first-and-only-paratroop-unit-of-the-vietnam-army
http://tuoitrenews.vn/features/14506/vietnam-paratroops-train-in-china-work-in-laos
http://tuoitrenews.vn/features/14549/paratroop-unit-defends-the-sky-of-vietnam
http://tuoitrenews.vn/features/14589/airdropping-supplies-during-a-dangerous-mission-in-hue

mercredi 12 février 2014

Le M72 LAW : le lance-roquettes antichar jetable

Les Nord-Viêtnamiens, puis le Viêtcong, disposent pendant la guerre du Viêtnam des RPG pour lutter contre les blindés américains (RPG-2 puis RPG-7. Dès 1963, les Américains mettent en service une arme antichar plus légère, jetable après un seul tir, le M72 LAW (Light Antitank Weapon). L'arme est composée de tubes : pour ouvrir le feu, le tube intérieur doit être tiré, pour activer le mécanisme de tir. Le LAW expédie une roquette de 66 mm avec une tête à charge HEAT, qui peut pénétrer aussi bien l'acier que le béton ou la terre. Le propulseur brûle entièrement dans le tube ; il n'y a pas de recul, mais le tir dégage une forte chaleur à l'arrière du lance-roquettes.

Jusqu'en février 1968, les soldats américains utilisent le LAW contre les bunkers. C'est avec le premier emploi de chars, des PT-76 légers amphibie, lors de l'attaque du camp des Special Forces à Lang Vei, près de Khe Sanh, pendant l'offensive du Têt, que les Américains emploient pour la première fois le LAW dans son rôle antichar. En avril 1972, à An Loc, les LAW distribués aux forces régionales et populaires contribuent à stopper les blindés nord-viêtnamiens qui pénètrent dans la ville. De nombreux T-54 sont détruits par des volontaires armés de M72. Bien que dépassé par le SMAW israëlien puis le AT-4 suédois, le LAW apprécié pour sa légèreté et son caractère compact a encore été utilisé en Irak.




Pour en savoir plus :


Jon GUTTMAN, "M72 LAW : The Disposable Tank Killer", Vietnam Magazine, Vol. 22 No 1, juin 2009, p.15.



lundi 10 février 2014

L'USS Grayback : le sous-marin des opérations spéciales

2h00, 3 juin 1972. La dernière opération de sauvetage des prisonniers américains au Viêtnam commence quand le lieutenant Lutz guide son Mark 6 Swimmer Delivery Vehicle (SDV) au large du sous-marin USS Grayback, qui a fait surface à l'embouchure du Fleuve Rouge. Lutz doit déposer deux Navy Seals, le lieutenant Dry et le CWO Martin, sur une petite île à 3 km de là, pour attendre deux prisonniers qui se sont échappés de leur camp en bateau. C'est une mission risquée rendue possible par la présence du seul sous-marin adapté aux opérations spéciales.

Livré en mars 1958, premier de la classe de sous-marins lance-missiles Regulus, le Grayback, avec l'avènement des missiles Polaris, est reconfiguré en 1968 comme transport de personnel. La coque, en particulier, est allongée, avec ajout de réservoirs de carburant supplémentaires, et la chambre de missiles de l'étrave est converti en pont pour accueillir jusqu'à 67 hommes, et 2 SDV. Cette étrave permet de lancer les hommes et les véhicules sous l'eau et comprend un sas de décompression. Cependant, le nouveau pont reste humide en raison d'une ventilation mal conçue.




Moins rapide, le Grayback n'en est pas moins silencieux surtout lorsqu'il fonctionne sur ses batteries. Sa faible taille verticale en fait un engin idéal pour les opérations spéciales au large des côtes de Chine ou du Viêtnam. Il a probablement participé à des opérations spéciales dès 1971, et probablement avant. Celle du lieutenant Lutz échoue en raison des courants et d'une mauvaise navigation : les batteries du SDV tombent à plat avant d'atteindre l'île. Les Seals doivent être récupéré par hélicoptère après avoir détruit l'engin. Le lieutenant Dry est tué lors de la récupération par hélicoptère et la mission doit être annulée. Le Grayback est retiré du service en 1984 et coulé comme cible d'exercice à Subic Bay, le 13 avril 1986. Il a cependant servi à concevoir les Detachable Dry Deck Shelters, et les sous-marins classe Los Angeles sont modifiés en 1987 pour embarquer ces derniers.



Pour en savoir plus :


Carl O. SCHUSTER, "USS Grayback :  Secret Submarine Landing Boat", Vietnam Magazine Vol. 24 No.3, octobre 2011, p.15.

jeudi 6 février 2014

Témoignage : Larry Miller, caporal, 3rd Marine Division, opération Buffalo (1967)

Le 2 juillet 1967 est le jour le plus sombre de l'US Marine Corps pendant la guerre du Viêtnam : 84 tués, 190 blessés, 9 disparus. L'opération Buffalo, qui dure 13 jours, connaît les pires aspects de la guerre : corps mutilés, guerre de tranchées, barrages d'artillerie massifs. Les Nord-Viêtnamiens saturent un secteur avec 1 400 obus en un seul après-midi. Certains soldats américains restent traumatisés par ces combats, face à 4 ou 5 000 Nord-Viêtnamiens, à 3 contre 1 minimum.

Larry Miller raconte : "Quand je décide de rejoindre les Marines en 1965 à 18 ans, je m'imagine que c'est tout simplement la chose à faire. Mon frère aîné était dans les Marines, après la Corée. J'avais 5 oncles qui avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, dont un dans les Marines également. Après l'entraînement à Camp Pendleton, ils ont pris 15 d'entre nous à Coronado pour la Naval Gunfire Forward Observer School.

Nous nous envolons pour Da Nang où nous sommes affectés au 9th Marines, sur la colline 55, puis sur la Montagne de Marbre. En mai 1966, nous rejoignons le 1st Battalion, 3rd Marines, pour protéger les civils à Da Nang au moment des émeutes bouddhistes. Je suis blessé le 21 mai et je ne sors de l'hôpital qu'en juillet. Je suis alors affecté au 4th Marines pour l'opération Hastings, une opération à plusieurs bataillons pour nettoyer la zone démilitarisée des Nord-Viêtnamiens, que nous affrontons pour la première fois. Ils utilisent des tactiques classiques d'une armée régulière : nous voilà dans la vraie guerre.

Les choses s'accélèrent au début de 1967. Je suis avec le 1/3rd Marines, en avril nous sommes sur une LPH (Landing Plateform, Helicopter), prêts à décoller le long de la côte avec 5 hélicoptères. La première opération a lieu en mai 1967. 4 à 5 000 Nord-Viêtnamiens traversent la rivière Ben Hai, qui sépare le Nord-Viêtnam du Sud. Mon officier, l'enseigne McCormick, est tué le 18 mai au début de l'opération Beau Charger, et je suis alors le seul observateur avancé disponible. Me voilà investi du rôle de l'officier, tout en restant caporal.

Le 90ème régiment de la division 324B nord-viêtnamienne est en face de nous. C'est l'élite de l'armée nord-viêtnamienne. Nous les combattons trois fois de suite et les repoussons au-delà de la rivière. Le 1st Battalion, 9th Marines - les "Morts Vivants", comme ils s'appellent- mène des patrouilles de Con Thien jusqu'à la zone démilitarisée. Le 2 juillet, lors d'une patrouille à moins de 2 km à l'est de Con Thien, le bataillon tombe dans une embuscade et subit le feu de l'artillerie, de mortiers, et même de lance-flammes, employés pour la première fois par les Nord-Viêtnamiens.

Ce soir-là, nous venons juste de retourner sur la LPH quand on nous signale l'embuscade. L'opération Buffalo commence. Le 3 juillet, nous marchons dans un paysage apocalyptique, dévasté par l'agent orange, avec des débris humains et des corps partout. Nous nous installons dans des tranchées agricoles avec le 3rd Battalion/9th Marines, arrivé avant nous. Il nous faut deux ou trois jours pour évacuer les morts et les blessés, sous le feu de l'artillerie ennemie. Je fais appel à l'artillerie de marine et à tout ce qui est disponible. Le 2nd Battalion, 3rd Marines arrive également sur la zone.

Je parle à l'observateur aérien avancé, Bird Dog, qui m'indique que 4 à 5 000 Nord-Viêtnamiens ont à nouveau franchi la rivière Ben Hai. Avec ce gamin du Michigan, "Moose", nous dégageons le sable devant nous et nettoyons nos M-16, de peur qu'ils ne s'enrayent. Pilonnés par les mortiers, nous nous replions et préparons une embuscade, mais l'ennemi ne vient pas. Il a été écrasé sous un déluge de feu. L'observateur aérien prétend avoir vu 200 corps dans une seule tranchée. Les cadavres ont notre équipement : gilets pare-balles, casques, radios PRC-25. A la fin de l'opération, le 14 juillet, le total des morts ennemis se monte à 1 400, contre 159 Marines et infirmiers tués et 345 blessés. La marine a tiré 1 500 obus en soutien."


Pour en savoir plus :


"Larry Miller", Vietnam Magazine, février 2011, p.21.

Le Viêtnam depuis 2000 ans, Les collections de l'Histoire n°62 (janvier-mars 2014)


Le dernier numéro des collections de l'Histoire est consacré au Viêtnam, alors que l'on entame en 2014 une année France-Viêtnam. Comme le rappelle l'avant-propos, les historiens dépassent aujourd'hui le face-à-face entre colonisateurs et colonisés pour montrer la naissance d'une armée moderne, et un Etat moderne, sur le modèle soviétique et chinois. Mais le Viêtnam n'est pas né avec la conquête française. Son histoire commence il y a 2 300 ans dans la vallée du Fleuve Rouge, s'émancipe de la tutelle chinoise au Xème siècle puis descend vers le sud. Les Français s'appuient, dès 1858, sur un empire administré dans la tradition chinoise. Le Viêtnam, coeur de l'Indochine coloniale, forge l'imaginaire asiatique des Français. Le communisme et la guerre ont cependant accouché d'une puissance émergente dont les habitants n'ont pas été forcément le relais du colonisateur, comme a l'air de le penser l'auteur dudit avant-propos. Le propos se découpe en quatre parties : le Viêtnam avant la colonisation, pendant la colonisation, durant la "guerre de trente ans" (1945-1975) et après.

Philippe Papin décrit comment un prince chinois, au IIIème siècle avant notre ère, fonde le royaume d'Au-Lac, même si ce royaume devenu indépendant revient rapidement dans l'orbite chinoise. Une élite sino-viêtnamienne se forme durant le millénaire de présence chinoise. Le Viêtnam prend cependant son indépendance au moment de la fragmentation de l'empire Tang, processus consacré en 1010. Le pays reste tributaire de la Chine, mais le bouddhisme rivalise avec le confucianisme des Chinois. Il résiste aux invasions mongoles, puis défait la domination des Ming sous la direction de Le Loi, en 1428. Un âge d'or s'installe jusqu'en 1497, date à laquelle le pays se divise en deux : ancienne dynastie Lê au nord, dynastie des Nguyen au Sud. Ces derniers progressent vers le sud, jusqu'au Cambodge. Le commerce se développe, même si des révoltes ont lieu, et que les Chinois doivent être à nouveau chassés en 1789. Un rejeton de la famille Nguyen réunifie le pays dès 1802. Calqué sur le modèle chinois, le nouvel empire est enfin devenu une puissance régionale. Andrew Hardy rappelle cependant que le pays est une mosaïque de populations. Les anthropologues le découvrent au début du XXème siècle et insistent désormais sur les très fortes structures internes de ces sociétés. Les minorités ont en fait été repoussées par le processus de construction du pays à partir du XVème siècle, comme les ethnies des Hauts-Plateaux, séparées d'un commun accord des Viêtnamiens par la construction d'une muraille, comme l'ont montré des fouilles récentes. Les Français, en 1946, tentent d'instrumentaliser les minorités. Les civilisations des montagnes ont beaucoup souffert des guerres d'Indochine et du Viêtnam. Le pouvoir communiste cherche à sédentariser les tribus et écrase par la force les soulèvements. Mais l'armée se charge en même temps de bâtir l'infrastructure. Le Parti n'est plus le seul vecteur d'intégration : les évangélistes ont investi le terrain, le café planté sur les terres est exporté, et les minorités, bien que fières de leurs origines, deviennent viêtnamiennes. Emmanuel Poisson insiste sur le fait que le mandarinat était une bureaucratie moderne, mais pas selon les critères occidentaux. Les fonctionnaires, contrôlés par le pouvoir, sont en fait peu nombreux. Ils subjuguent par leur apparat. Ils sont recrutés par concours, et un certain nombre de villages sont de véritables pépinières. Mais dès le XVème siècles, certains employés ou soldats sont nommés mandarins pour faits d'armes. Le mandarin est formé à sa future tâche. Il n'exerce pas dans sa circonscription d'origine, envoie des rapports tous les trois ans. A partir du XVIème siècle, les mandarins préfèrent le retrait à l'engagement. C'est sur leur base que se greffe l'Etat colonial au XIXème siècle.

Carto n°21 (janvier-février 2014) : L'offensive du Têt

En partenariat avec les éditions Tallandier, j'ai livré pour le magazine de vulgarisation en géographie Carto, des éditions Areion (très intéressant par ailleurs), un résumé de L'offensive du Têt pour la rubrique Histoire du magazine. L'essentiel est dit en quelques pages. Disponible à la vente en ce moment-même si vous êtes intéressé !

mercredi 13 novembre 2013

James H. WILLBANKS, The Battle of An Loc, Indiana University Press, 2005, 227 p.


Après avoir refait la fiche de l'ouvrage du général Lam Quang Thi qui donnait un point de vue sud-viêtnamien sur la bataille d'An Loc (1972), je reviens sur un "classique" à propos de cette même bataille, l'ouvrage de l'historien américain James H. Willbanks. Willbanks, ancien lieutenant-colonel de l'US Army devenu historien, a participé lui-même, en tant que conseiller auprès de l'armée sud-viêtnamienne, à la bataille. Il avait signé, en 1993, un premier papier pour Combat Studies Institute, sur la bataille d'An Loc. Après avoir écrit un ouvrage sur les dernières années de la guerre du Viêtnam et la viêtnamisation, Willbanks revient à la bataille d'An Loc en utilisant des sources américaines, sud-viêtnamiennes et surtout nord-viêtnamiennes, qui sont désormais davantage disponibles. On sent cependant à la lecture de l'introduction que Willbanks cherche surtout à insister sur la participation américaine à la bataille, celle des conseillers militaires et de l'aviation, essentiellement.

Le premier chapitre rappelle le développement de l'armée sud-viêtnamienne après le retrait américain, progressif, dès 1969. La situation de l'ARVN est peut-être vue sous un angle un peu trop optimiste, même si l'historien rappelle la débâcle de l'opération Lam Son 719 au Laos en février 1971 (mais a contrario valorise sans doute un peu trop l'incursion cambodgienne d'avril-mai 1970). Le retrait américain continue : en mars 1972, il ne reste plus que deux brigades au Sud-Viêtnam (3rd Brigade, 1st Cavalry Division à Bien Hoa et la 196th Light Infantry Brigade à Da Nang). Il reste aussi un peu plus de 5 000 conseillers auprès de l'armée sud-viêtnamienne. L'USAF maintient encore cependant plus d'une centaine d'appareils et l'US Navy dispose aussi de deux porte-avions dans le golfe du Tonkin. Au départ, Américains et Sud-Viêtnamiens ne croient pas à une offensive d'envergure en 1972, et ne s'y rallie qu'au printemps de cette même année : ils pensent que l'effort portera sur les deux zones tactiques du nord du pays (I et II) avec un effort moindre autour de Saïgon.
 

mardi 12 novembre 2013

Un soldat nord-viêtnamien dans la guerre : Tra Tranh, 3ème compagnie, 174ème régiment, division 316

Tra Tranh a été enrôlé par l'armée nord-viêtnamienne, comme tous les hommes âgés de 18 à 45 ans. Il a reçu un entraînement d'infanterie de base, et a appris à se servir des armes soviétiques ou chinoises. Au printemps 1965, sa compagnie est envoyée au Sud-Viêtnam via la piste Hô Chi Minh. D'avril à novembre, elle mène plusieurs combats sur les Hauts-Plateaux et dans les montagnes environnantes.

[Le sergent Tra Tranh fait partie de la 3ème compagnie, 174ème régiment de la division 316] Je suis né en 1939 dans une famille de Thaïs noirs dans un village près de Lai Chau. De toutes les minorités de la région, les Thaïs Noirs sont différents des Thaïs blancs ou rouges. Nous sommes appelés ainsi en raison de la couleur de peau et du vêtement des femmes. Nous habitons surtout dans les vallées des hautes terres du nord-ouest du Viêtnam et du nord-est du Laos. Notre parenté détermine notre statut. Quelques familles de mon village constituent l'élite politique et religieuse, d'autres fournissent les fermiers, les artisans, les soldats. Selon la tradition des Thaïs noirs, chaque homme est un soldat [... ] Les villages ont toujours fait face aux agressions extérieures et aux menaces étrangères, celles des Chinois, des Français ou des Japonais. Depuis longtemps, chaque village a son "groupe d'autodéfense" pour protéger les personnes et la terre. Le groupe entraîne les hommes, organise la défense du village, et envoie des volontaires ou des conscrits pour les forces armées nationales.

Fenêtre sur le Viêtnam : aidez à financer le projet du lycée Kerraoul de Paimpol !

Voici un beau projet qui cherche un petit coup de pouce financier. Une classe de Terminale du lycée Kerraoul de Paimpol suit, depuis la rentrée 2012, un accompagnement personnalisé, qui propose un échange de correspondance avec un lycée de Nha Trang, au Viêtnam. 

Les organisateurs du projet cherchent 2 000 euros pour compléter leur budget. Le voyage doit  avoir lieu début 2014 : il prévoit de se rendre à Nha Trang mais aussi à Vinh, plus au nord, et sur le site de Dien Bien Phu, dont le 60ème anniversaire sera fêté l'an prochain. Les 2 000 euros demandés sont en fait le reliquat restant pour assurer les dépenses courantes, d'autres organismes ayant pris en charge le gros des frais et les familles contribuant à hauteur de 500 euros, déjà.

Les objectifs du voyage sont multiples : culturels (échanges avec les correspondants viêtnamiens, etc), mémoriels (visite du site de Dien Bien Phu, appréhension de l'histoire viêtnamienne contemporaine), scientifiques (c'est à Nha Trang qu'a travaillé Yersin, qui a découvert le bacille de la peste ; la plupart des élèves sont en S). Tout simplement, c'est aussi une occasion d'ouverture pour ces élèves d'un lycée général, classé lycée des métiers "Sanitaire et social", mais également excentré et situé en milieu rural.

Un petit geste pour eux !

La page Facebook du projet : https://www.facebook.com/voyagevietnam2014

samedi 9 novembre 2013

Z comme... Zumwalt

Amiral de l'US Navy et commandant des unités de guerre fluviale entre 1968 et 1970. Né en 1920 à San Francisco, Zumwalt sort diplômé de l'académie navale d'Annapolis en 1942. Il combat à Guadalcanal et dans les Philippines. Il est aussi présent pendant la guerre de Corée et passe ensuite au Naval College et au National War College, avant de prendre le commandement, en 1959, du premier navire lance-missiles de la Navy, la frégate USS Dewey. En 1964, il assiste le secrétaire à la Marine Paul Nitze et se montre réticent devant l'escalade de l'engagement américain en Asie du Sud-Est. L'année suivante, il est le plus jeune contre-amiral de l'US Navy. En 1966, il prend la tête de la division d'analyse des systèmes.

En septembre 1968, on lui confie le commandement des forces navales américaines au Viêtnam et du Naval Advisory Group, un poste considéré comme une impasse puisque plutôt "brown water navy" en lieu et place de la "blue navy". Il est chargé d'empêcher le flot logistique communiste à travers le delta du Mékong et de passer le relais à la marine sud-viêtnamienne. Zumwalt s'attèle à la tâche avec énergie. Il amplifie l'opération Market Time en lançant des raids de petits navires contre les voies d'approvisionnement jusqu'au Cambodge (opération Giant Slingshot). Pour appuyer les opérations amphibie, il fournit des Landing Craft aux soldats de la 9th Infantry Division. Il crée le programme ACTO (Accelerated Turnover to the Vietnamese) pour faire avancer la viêtnamisation avec une coopération étroite entre Américains et Sud-Viêtnamiens, et montre l'exemple dans ses relations avec le chef de la marine sud-viêtnamienne, l'amiral Tran Van Chon. Zumwalt pousse aussi à l'utilisation de l'agent orange comme défoliant au Sud-Viêtnam.

Sa performance est si impressionnante qu'il est rappelé à Washington en avril 1970 pour devenir chef des opérations navales. Il est le plus jeune officier de l'histoire de la Navy à tenir ce rang avec le grade d'amiral. Il se met à nouveau  à la tâche pour la réforme du personnel et l'affrontement avec la flotte soviétique. En tant que chef des opérations navales, il ne perd pas de vue le Viêtnam : pendant l'offensive de Pâques 1972, il presse les autorités de procéder au minage du port de Haïphong. Il est très impliqué, en tant que citoyen, dans les efforts humanitaires reliés à la guerre du Viêtnam. Il obtient ainsi la relaxe de Tran Van Chon. Il est aussi le porte-parole des vétérans victimes des herbicides ; son fils est en effet décédé en 1988, à 42 ans, d'un cancer probablement entraîné par l'exposition à l'agent orange. Zumwalt lui-même est victime d'un cancer diagnostiqué en 1986. Il maintient cependant que sa décision d'utiliser l'agent orange dans le delta du Mékong a contribué à sauver de nombreuses vies. Il regrette seulement les effets induits sur les soldats et les marins américains. Il meurt en 2000.


Pour en savoir plus :


MALCOLM MUIR JR., "Zumwalt, Elmo Russell, Jr.", in Spencer C. TUCKER (éd.), THE ENCYCLOPEDIA OF THE VIETNAM WAR. A Political, Social, and Military History, Second Edition, ABC-Clio, 2011, p.1363-1364.